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28 janvier 2013 1 28 /01 /janvier /2013 11:05

A gauche, une porte conduit à la salle-de-bains. Dans cette pièce ultra fonctionnelle, pas de fenêtre. La douche n’a ni cloison ni rideau, rien contre lequel on pourrait se cogner, rien sur quoi déraper, aucun paravent pour dissimuler sa nudité. Les toilettes sont juste à côté, le lavabo dans le prolongement. Le sol est en vinyle vert foncé, comme dans la chambre. Pas de rangement afin que les aides soignantes aient tout sous la main immédiatement, le savon, le shampoing, le coton, les lotions, les couches.

Les traces du temps, les cicatrices, l’ablation de sa féminité, à gauche. Exposées.

Nettoyée comme un animal, ou un prisonnier, au jet.

Elle avait vu ça dans un film.

Humiliée.

 

Plus vite.

On vous traite comme un enfant. Avec agacement, impatience, et parfois un peu de violence ordinaire.

« Mais sont épuisants ces vieux aussi avec leurs manies, leurs habitudes, pourquoi ne comprennent-ils pas qu’on n’a pas qu’ça à faire ? qu’ça va plus vite si on les douche, et qu’on les habille ? que mett’e de la crème à leur âge ça sert plus à rien ?  qu’ils n’ont qu’à attendre sagement !»

Sagement. Comme de vieilles images qu’ils finiront par devenir dans les albums et les mémoires.

 

              Colombe est pudique, depuis toute petite. Pudique et soignée. On ne doit pas imposer aux autres un aspect négligé. Manucure et pédicure ont toujours fait partie de son quotidien, tout comme le coiffeur qui soigne ses plumes argentées depuis vingt ans. Depuis l’accident comme elle l’appelle, la manucure n’est pas revenue. Le coiffeur non plus. On ne doit pas juger cela nécessaire.

« Frais inutiles, injustifiés, ridicules. Et puis quoi encore ! »

Guerlain, l’eau Impériale ; elle voudrait se parfumer, un peu, juste un sillage discret pour ne plus sentir cette odeur qui rôde autour d’elle depuis l’hôpital. Mais personne n’a remplacé le dernier flacon. Electre lui a apporté un parfum à la verveine, bon marché. Un jus d’herbe fade sans histoire. Elle préfère ne pas le porter. Cette odeur n’est pas la sienne.

La chauve souris s’est endormie dans un coin de la pièce. Mais, comment est-elle venue  jusqu’ici ? 

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Published by Antigone - dans Si Dieu veut...

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